Chronique (Mardi 26 Février 2008)
Insouciance environnementale
Par :Mustapha Hammouche
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L’inauguration de l’usine de dessalement d’eau du Hamma a été présentée comme l’acte de libération des Algérois jusqu’ici étouffés par la soif. Les titres, nonobstant leurs suggestions politiciennes, sont dithyrambiques : “Alger n’aura plus soif” ; “Le Président met Alger à l’abri de la soif”…
Le mythe de l’eau H24 a rencontré la panacée du dessalement, et c’est le ravissement général ! Nulle objection écologique malgré les réserves d’une ONG qualifiée, comme WWF. Ce qui est établi, c’est que le dessalement est fortement consommateur d’énergie. Couplée au processus d’extraction de sel marin, cette surconsommation d’énergie fait de cette industrie un agent du réchauffement planétaire.
Nulle objection économique, malgré le prix de revient élevé de l’eau dessalée. Il faudra attendre que le consommateur doive un jour payer l’eau à son juste prix pour s’inquiéter de son coût.
La crise de l’eau justifie peut-être ce choix, mais n’est-ce justement pas une raison supplémentaire pour débattre de l’option ? Ou bien s’agit-il de boire et de discuter après ? Ne parlons pas de l’horreur paysagère que constitue ce complexe de cuves et de canalisations qui cache désormais la rade aux riverains et pollue le panorama d’une des plus belles baies du monde. Depuis des décennies, tous les investissements en matière de barrages et de forages réalisés dans le centre du pays trouvent leur légitimité dans l’étanchement de la soif d’Algérois décidément insatiables. Malgré cela, il semble qu’il faille se lancer dans un quadrillage d’usines de dessalage de l’eau de mer.
Mais le fait accompli environnemental ne concerne pas que les seuls projets hydrauliques. Des segments du littoral, y compris la baie d’Alger, sont promis à des émirs qui, heureusement, se font désirer avant de venir bétonner les rives.
Pendant la réfection de la route Jijel-Béjaïa, on a laissé choir des tonnes de roches arrachées aux falaises sans se soucier des implications sur le capital botanique qui peuplait les escarpements de la corniche et sur la flore marine en contrebas. Aujourd’hui, seuls des militants prêchent dans le désert pour empêcher qu’une autoroute ne vienne déchirer le parc d’intérêt universel d’El-Kala.
Depuis l’indépendance du pays, la construction s’est toujours affranchie de la contrainte environnementale. Toutes les institutions ont fait dans la facilité destructrice. Les zones industrielles occupent les anciennes et riches plaines alluviales ; les créations et extensions de villes se sont faites à la place de domaines agricoles ; l’anarchie architecturale et urbanistique a souvent fait du développement urbain un processus de création de “bétonvilles”, comme en témoignent ces modèles de laideur que sont les lotissements dits “Dubaï”, d’El-Alia ou du Hamiz.
Pourtant, l’Algérie disposait parfois de ministères de l’Urbanisme, de la Ville, et dispose toujours d’un ministère de l’Environnement. Sa présence médiatique ne semble pas à la mesure de son engagement opérationnel. Même qu’il semble se réfugier dans la promotion d’un tourisme venu comme pour dissimuler le repli en matière d’environnement.
En 2008, il n’est plus permis de détruire ce qui est naturel et durable pour construire ce qui est artificiel et précaire.
M. H.
musthammouche@yahoo.fr